Don Quichotte de la Manche est un véritable monument de la littérature espagnole… et de la littérature tout court. En France, il a d’ailleurs rejoint la prestigieuse collection La Pléiade en 2015.
Cette œuvre magistrale, qui a connu un grand succès dès sa publication, a su traverser les siècles. Aujourd’hui encore, elle passionne encore les lecteurs de tous âges : ce roman est l’un des plus lus au monde.
Il a été écrit par Miguel de Cervantès et publié en deux parties en 1605 et 1615.
Nous sommes des don Quichotte perpétuels et moins excusables que le héros de Cervantès, car nous savons que nos géants sont des moulins et nous nous enivrons pour les voir géants.
Alfred de Vigny, Journal d’un poète (1840)
Don Quichotte et Sancho Panza : les deux personnages principaux de ce roman atypique
Inutile de chercher à assigner un genre à ce roman : Don Quichotte échappe à toutes les classifications. Il est à la fois un roman de chevalerie, un texte burlesque, un récit poétique…
Considéré comme le premier roman moderne, il est aussi engagé. Cervantès dénonce l’absurde des mœurs médiévales et des carcans sociaux étouffants. Il offre différents niveaux de lecture, à tel point qu’il est toujours analysé et commenté !
Cette histoire met essentiellement en scène deux protagonistes :
Alonso Quichano. Originaire de la Manche, cet hidalgo (gentilhomme) est un fervent lecteur des livres de chevaleries. Il en possède une grande quantité dans sa bibliothèque. Cette passion dévorante va l’amener à se prendre pour Don Quichotte, un chevalier errant qui doit parcourir l’Espagne pour protéger les opprimés et combattre le mal.
Sancho Panza. Comme son nom l’indique, ce naïf écuyer cherche surtout à se remplir la panse. Effrayé par les visions de son maître, il se conforme pourtant à son univers dans l’espoir d’obtenir le titre de gouverneur que Don Quichotte s’est engagé à lui donner.
Les personnages secondaires
Au fil de leurs aventures, Don Quichotte et Sancho Panza croisent de nombreuses personnes : le curé et le barbier du village, des muletiers, des cardeurs (ouvriers agricoles), des criminels envoyés aux galères, la nièce de Don Quichotte, des chevaliers, des étudiants, des Morisques frappés par l’édit d’expulsion de 1609, etc.
Parmi les plus notables, il faut notamment citer :
Rossinante, le vieux cheval de Don Quichotte. Le chevalier errant nomme sa monture ainsi pour signifier qu’elle est devenue « la première de toutes les rosses du monde ».
Dulcinée del Toboso : cette dame de la Manche est en réalité une paysanne nommée Aldonza Lorenzo. Don Quichotte ne la rencontrera jamais, mais il lui jure pourtant amour et fidélité. Elle va ensuite être présente dans ses pensées.
Don Quichotte, l’antihéros par excellence
Contrairement à Sancho Panza, Don Quichotte n’évolue pas dans le roman. Il reste mû par le même idéal et il n’hésite pas à transformer le réel pour entretenir son délire.
Une folie qui va bien au-delà de la soif des grandeurs. Comme le souligne le philosophe Michel Foucault, Don Quichotte est aussi animé par une quête de charité pure. Sur France Culture, dans un entretien diffusé en 1971, il considère que ce désir absolu de la bonté est sans doute « une sorte de folie mystique » (source).
C’est aussi pour cela que tout le monde peut se reconnaitre dans cet antihéros qui affronte le monde avec des armes désuètes. Il subit les moqueries et les revers, mais reste fidèle à ses convictions.
Cette foi inébranlable dans des valeurs supérieures lui confère une dignité notable. Un comportement qui force le respect et dont l’éthique a contribué à la notoriété du roman (notamment après la Révolution française).
Une source d’inspiration inépuisable pour les artistes
Don Quichotte a nourri l’imaginaire des artistes :
- des écrivains : Marivaux, Gogol, Dickens, Dostoïevski ;
- des peintres : Dali, Honoré Daumier, Gustave Doré, Gérard Garouste ;
- des chorégraphes : Noureev, Marius Petipa, Kader Belarbi, José Montalvo… ;
- des musiciens : Ravel, Purcell, Massenet, Richard Strauss, Manuel de Falla… ;
- des réalisateurs : Terry Gilliam, Orson Welles, Arthur Hiller…
Ce roman a aussi été étudié depuis 400 ans par les philosophes et les psychanalystes, tant sa matière est dense.
Sebastian Dieguez, chercheur en neurosciences au Laboratoire de sciences cognitives et neurologiques de l’Université de Fribourg (en Suisse) écrit notamment à propos de l’ingénieux hidalgo : « Don Quichotte est fascinant du point de vue psychiatrique, car on peut trouver en lui à peu près n’importe quelle pathologie de l’esprit, selon sa sensibilité ou ses préférences diagnostiques » (source).