Le Lochness
Il fut un temps où il n’y avait pas de lac dans la Grande Vallée ; à la place, les cinquante-six kilomètres carrés sur lesquels s’étendent les eaux du Loch Ness formaient une vallée riche et fertile, parsemée d’une multitude de fermes et de leurs propriétés. Au centre de ce vallon verdoyant naissait une source magique, gardée par un strict tabou.
Toute personne tirant de l’eau de la source devait immédiatement après remettre en place la pierre qui la cachait. Passer outre cette étape maudirait l’existence de tous ceux vivant dans le vallon.
Mais, un jour, une femme entendit les cris d’agonie de son bébé alors qu’elle avait à peine commencé à emplir son seau. Prise de panique, elle laissa la source à découvert et courut prêter assistance à son enfant. Immédiatement, la source déborda et un torrent déchaîné tomba en cascade derrière elle, innondant la vallée. Les habitants fuirent vers les collines, pleurant sur leur passage « Tha loch nis ann » (« Il y a un loch ici maintenant »), d’où est venu le nom du Loch Ness.
Le Loch Ness se situe à l’extrémité nord de la Grande Vallée, le long d’une faille géologique qui scinde les Highland’s écossais. Ses cinquante-six kilomètres carrés d’eau sombre et ondoyante présentent au voyageur fatigué un panorama en perpétuelle mutation de collines, de bois et d’eau. Personne ne connaît avec certitude l’exacte profondeur de ce mystérieux loch, mais sa partie la plus profonde et la plus sombre est celle qui ondule devant la carcasse vide du Château de Urquhart sous lequel, selon la légende, existent des grottes sous-marines qui abritent une colonie de monstres. Et bien sûr le Loch Ness, en dépit de son cadre époustouflant, est surtout connu pour l’énigmatique créature censée se cacher dans ses eaux noircies par la tourbe, et dont les excursions à la surface ont fait d’elle une des bêtes légendaires les plus célèbres au monde.
Quel que soit l’être qui habite les eaux glacées du Loch Ness, ce n’est ni un nouveau venu ni une légende sans fondement, bonne à tourner en dérision. En effet, la toute première rencontre avec « Nessie », ou plus probablement l’un de ses ancêtres, eu lieu en 565 après Jésus Christ, alors qu’un disciple du missionnaire irlandais St Columba traversait la rivière Ness à la nage afin d’aller chercher un bateau pour son maître. Soudain, une bête terrifiante jaillit à la surface de l’eau et, « avec un gigantesque rugissement et la gueule grande ouverte », se jeta sur le nageur. St Columba se signa immédiatement et cria à la bête : « Ne pense même pas à avancer davantage, ni à toucher cet homme ! Retourne d’où tu viens ! ». La bête obéit et, durant les 1400 années qui se sont écoulées depuis, malgré ses apparitions régulières, elle n’a jamais blessé personne, ni même émis le moindre son, sans parler d’un rugissement.
C’est avec l’ouverture d’une route principale le long de la berge nord du loch, en 1933, que l’engouement actuel envers Nessie débuta. Durant le mois de décembre de cette même année, le Daily Mail parraina la première tentative pour trouver le Monstre, en faisant appel au chasseur de gros gibier Marmaduke Weatherall et au photographe Gustav Pauli. Un état d’excitation intense surgit lorsque, dans les profondeurs des sous-bois à côté du loch, les deux hommes découvrirent une énorme empreinte, apparemment laissée par une gigantesque créature. Malheureusement, il fut bientôt révélé que ça n’était qu’un canular perpétré à l’aide d’un pied d’hippopotame séché, autrement utilisé comme un range parapluie !
Puis, le 19 avril 1934, Robert Kenneth Wilson, chirurgien de Harley Street, prit la célèbre « photo du chirurgien », d’une créature au long cou en train de nager dans les eaux du Loch Ness, et donna au monde l’image la plus répandue de la créature légendaire. Bien que l’on ait prouvé que cette photo était truquée, on a signalé depuis plus de 1000 apparitions et, en mettant de côté les canulars, les confusions avec des objets naturels, les illusions d’optique, les désirs pris pour des réalités – et il faut dire que tout ceci représente certainement une grande partie des témoignages – il reste suffisament de preuves venant de personnes sobres, honnêtes, et timides face à la caméra, pour penser que quelque chose de mystérieux se cache effectivement dans les obscures profondeurs du Loch Ness.
C’est surtout sur la nature de la bête que le débat fait rage. Ceux qui ont vu le monstre de près affirment qu’il ressemble soit à une « limace », soit à une « anguille », avec une tête proche du mouton ou du phoque. Sa taille a été estimée entre 7 et 23 mètres, et sa peau semble « couverte de verrues » et « visqueuse ». Certains disent qu’il fait partie d’une espèce inconnue de poissons, d’autres que c’est un survivant de la préhistoire, éventuellement un Plesiosaurus. Les sceptiques le considèrent comme un tas de végétation en putréfaction ; un groupe de loutres s’ébattant dans l’eau ; un cerf en train de nager ; ou même un Zeppelin sombré durant la Première Guerre Mondiale, qui remonterait régulièrement à la surface. Le folklore gaélique, quant à lui, le voit comme un Each Uisge, l’un de ces terrifiants chevaux-marins dont on dit qu’ils hantent un grand nombre des lochs des Highland’s. De nombreuses expéditions scientifiques n’ont pas réussi à fournir de preuve concluante, d’une façon ou d’une autre, de son existence, et les nombreux photographes qui viennent ici dans l’espoir d’immortaliser « Nessie » sur le papier se sont depuis longtemps résignés à sa facheuse habitude d’apparaître alors qu’ils n’ont pas d’appareil photo.
Il pourrait également être l’une des grandes anguilles connues pour atteindre des envergures exceptionnelles dans le Loch Ness. Il existe un vieux rapport concernant une femme qui s’était noyée dans le Loch Ness et dont le mari engagea un plongeur local pour récupérer son corps. Après une plongée, l’homme refusa de retourner dans l’eau, affirmant que les anguilles présentaient un trop grand risque. Rejetant les craintes du plongeur comme de la superstition, le mari fit appel à la Marine qui envoya une équipe de plongeurs en renfort. Le premier homme à descendre remonta très vite, expliquant que les anguilles l’empêchaient de protéger sa voie d’air. Alors, les plongeurs de la Marine abandonnèrent eux aussi. Finalement, le mari fit venir des plongeurs des bassins londoniens, et les escorta lui-même depuis la gare afin qu’ils n’entendent pas les rumeurs sur les anguilles. Mais eux aussi refusèrent de rester sous l’eau à cause des grosses anguilles qui tentaient d’obstruer leur voie d’air et de s’enrouler autour d’eux. Ils auraient dit au mari qu’ils n’avaient jamais vu de telles créatures et que plonger pami elles était du suicide !
Quel que soit l’être qui vit ou non sous le plus grand volume d’eau douce de Grande Bretagne, sa légende refuse de s’éteindre et des visiteurs viennent des quatre coins du monde dans l’espoir d’apercevoir la mystérieuse créature. Mais peut-être que le dernier mot doit aller au naturaliste David Bellamy qui a dit de Nessie en 1991 « J’espère qu’il est là. Mais j’espère qu’ils ne le trouveront pas, car s’ils le trouvent, ils lui feront du mal ».

Si vous souhaitez prendre part à la chasse à Nessie, voici des webcam sur le loch
nessie.co.uk ou encore lochness.co.uk et le site pour enregistrer vos découvertes :
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